L'année Internationale des Volontaires est terminée

«Pour un volontariat horizontal et une coopération fondée sur la concertation»
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S. Ferrari / E-CHANGER / UNITÉ
01 décembre 2001

« S'il ne doit rester qu'une chose de cette année internationale des volontaires, c'est l'idée, essentielle, qu'il faut mettre en oeuvre un volontariat d'un nouveau type, correspondant à une autre conception de la coopération » estime Papa Birama Thiam, directeur de l'assistance technique du Sénégal, qui participait au Symposium international sur le volontariat tenu à Genève du 18 au 21 novembre (voir encadré).

Pour ce jeune fonctionnaire, qui était à la tête du Comité chargé dans son pays de piloter les activités de l'année internationale, ce nouveau volontariat doit s'appuyer sur une coopération horizontale, interactive, qui rapproche le Nord et le Sud dans une relation de respect mutuel.

« En Afrique, après le processus qui a conduit aux indépendances nationales, les pays occidentaux, forts de leur "générosité", nous ont envahis de projets et de coopérants. Peu à peu, ces derniers ont été retirés pour diverses raisons ; mais il ne faudrait pas retomber dans les mêmes erreurs en nous envoyant maintenant des vagues de volontaires. Nous ne pouvons plus accepter des jeunes volontaires qui arrivent sans aucune expérience. Les attentes réelles de nos peuples doivent être prises en compte. Il faut une concertation. Le Nord doit nous aider, par conscience, par solidarité, mais sans rien imposer et en discutant avec nous de nos véritables besoins". Cette vision stratégique, à la fois bilan du passé et exigence pour le futur, donne la dimension des enjeux et résume assez bien l'apport de l'année internationale. 

Revaloriser le travail volontaire

2001, décrétée année internationale des volontaires par les Nations unies à l'initiative du Japon, a ouvert la porte à une réflexion, bien qu'encore timide, sur les questions essentielles que pose le travail bénévole sous toutes les latitudes.

Cette année internationale poursuivait quatre objectifs qui avaient été définis par consensus : reconnaissance du travail volontaire en tant que mise en pratique de valeurs humaines, mesures qui facilitent le volontariat comme force sociale active, multiplication du travail en équipe et des réseaux qui rassemblent les gens à travers le monde et enfin, promotion de ce type d'engagement bénévole par la diversification de ses expériences et l'élargissement de son champ d'action. 

Plus de 120 comités ont été créés dans autant de pays, dès la fin de l'an 2000, pour structurer les plans d'action et le travail au niveau national. Ces comités avaient des dimensions et des dynamiques variées. Dans certains pays européens, c'est la société civile qui a répondu à l'appel et joué un rôle de premier plan. Ailleurs, en Amérique latine ou en Afrique, les comités ont été essentiellement formés, comme on a pu le voir lors du Symposium, par des structures gouvernementales ou les délégations locales de l'ONU, où le verticalisme, la bureaucratie et le poids des appareils se sont fait sentir.

Selon les pays, les résultats de l'année internationale ont été plus ou moins importants. C'est dans une grande mesure la nature des comités et leur capacité à mobiliser qui les a déterminés.

« En Suisse, le comité national était composé de plus de 150 organisations et réseaux, d'horizons sociaux très divers, qui allaient des associations sportives aux boy scouts, en passant par la Croix-Rouge nationale et les organisations d'UNITÉ qui promeuvent l'échange de volontaires avec les pays du Sud. Les avancées sont significatives», explique Guido Munzel, secrétaire général de cette plate-forme. 

C'est aussi l'avis de Judith Stamm, présidente du comité et l'une des organisatrices du Symposium, pour qui « avoir rendu visible le travail bénévole dans toute sa réalité dans une société où une personne sur quatre fait un travail bénévole est un succès important... bien que le débat sur le sens du volontariat, du moins en Suisse, en soit encore à l'état embryonnaire ».

« Chez nous, en Uruguay, les résultats sont plus nuancés », explique pour sa part Gaston Inda, membre actif du comité national uruguayen et délégué au Symposium, décrivant une situation qui s'est retrouvée dans d'autres pays latino-américains. « Pour commencer, précise-t-il, nous avons débuté en retard, en mai 2001. Par ailleurs, nous nous sommes heurtés à des problèmes d'organisations et les conflits internes n'ont pas manqué. Nous ne sommes pas parvenus à une mobilisation massive, bien qu'il y ait chez nous des milliers volontaires. Nous ne sommes pas arrivés à intéresser la presse et nous n'avons donc pas eu sur la population l'impact que nous attendions ».

Il y a cependant des points positifs, tels une série d'initiatives et de débats qui ont débouché sur des propositions de lois susceptibles d'avoir un effet réel. Cette revalorisation juridique du volontariat a d'ailleurs été promue sur tous les continents lors de l'année internationale.

D'un point de vue plus large et plus global, la « consolidation de réseaux internationaux, grâce auxquels des milliers d'organisations et de personnes communiquent par le biais du site Internet de l'année internationale, est un succès que l'on ne pouvait imaginer il y a encore quelques mois », souligne Viola Krebs, présidente du comité d'organisation de la rencontre de Genève. 

Elle signale entre autres que l'année internationale et le Symposium qui en a marqué le terme ont permis d'ouvrir des pistes à la réflexion et d'avancer des idées qu'il faut maintenant approfondir. La relation du volontariat avec l'entreprise privée, l'impact économique réel du bénévolat, les similitudes et les frontières entre volontariat et militantisme sont des questions désormais à l'ordre du jour. « Le monde traverse un moment très particulier de son histoire, surtout depuis les événements du 11 septembre. Nous sommes mis au défi d'être plus volontaires, plus solidaires, plus humains et nous ne pouvons plus nous dérober » estime Viola Krebs. 

Repenser la coopération, réinventer le volontariat

Solidarité et humanisme qui peuvent être mis en uvre dans chacune des sphères du volontariat, qu'il soit pratiqué à l'intérieur d'une société ou plus globalement dans les relations Nord-Sud-Nord, comme l'explique Pierre-Yves Maillard, secrétaire général de l'ONG helvétique É-CHANGER (É-CH).

Présent au Brésil où travaillent une vingtaine de ses volontaires, É-CH, défenseur d'un modèle d'échange novateur, s'y articule avec trois partenaires principaux : le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre, l'Association brésilienne des ONG et la Centrale des mouvements populaires.

« Nous contestons le paradigme d'une coopération fondée sur le transfert d'une vérité supérieure occidentale. Nous croyons à un autre type de relation de partenariat avec les acteurs locaux les plus importants ; nous sommes convaincus qu'il faut pratiquer un échange actif avec eux et les faire participer réellement à la définition de notre propre politique de coopération. Enfin, nous pensons fermement que notre action dans le Sud doit s'accompagner d'un travail d'information et de sensibilisation dans le Nord », estime P-Y Maillard, co-auteur d'une intervention parmi les plus dérangeantes du Symposium. « Plus que de volontariat et de coopération, nous voulons parler de cooper-action, pour reprendre le mot utilisé par Leonardo Boff, qui est notre partenaire dans un projet au nord du Brésil ».

Mot réconfortant, mot prophétique que celui du théologien brésilien qui, en défendant dans toute sa profondeur la vision d'un "monde unique dont la garde et la sauvegarde sont la responsabilité de tous", questionne la conception actuelle du volontariat Nord-Sud.

« Le cooper-acteur ne doit pas choisir de travailler dans le Sud pour aider ceux qui souffrent, ni pour mettre en uvre une vision quasi économique de la coopération. Il doit y aller pour renforcer un autre sorte de mondialisation, qui passe par la construction d'une conscience humaine différente dans laquelle nous ne nous considérons plus comme Brésiliens, Argentins ou Suisses, mais comme citoyens d'un seul monde qui ont des points d'accords et des différences ».

Le volontaire, selon L. Boff, doit remplacer l'idée de l'aide par celle du partage. "Il est primordial qu'il abandonne toute arrogance et tout paternalisme, qu'il accepte l'interculturel comme source de richesse, qu'il ne renie par sa propre identité, qu'il soit disposé à socialiser son savoir mais aussi à apprendre".

Le débat sur l'avenir

L'année internationale du volontariat est donc officiellement terminée. Seul le temps permettra d'en faire le bilan et d'en comptabiliser les effets concret. 

Pour l'instant, ni les critiques ni les excès d'optimisme ne font défaut. Comme on pouvait s'y attendre, les organisateurs du Symposium de Genève et les instances des Nations unies jugent l'impact de l'année internationale important et tangible. 

Cependant, la prudence doit nous conduire à reconnaître les nombreux vides qui restent à combler sur le plans des concepts. Dans beaucoup de pays du Sud, dont la population, paradoxalement, est organisée et volontaire par excellence, les comités nationaux ne sont pas parvenus à intégrer les vigoureux apports de la société civile et des mouvements populaires. 

En Amérique latine, nombreux sont les pays où le volontariat a été pour les comités l'occasion d'un rapprochement avec les cercles de "premières dames", les médias gouvernementaux, avec photos et films vidéo de représentation, et les organisations de charité. 

Néanmoins, on constate une certaine dynamique de mise en commun des expériences et de consolidation des réseaux ; de même, un accord sur le contenu minimum du débat qu'il va falloir tenir se profile. Enfin et surtout, on aperçoit la possibilité unique de repenser un volontariat enfoncé dans de multiples contradictions : exister sans être véritablement pensé, avoir un impact positif sans être reconnu, servir sans être réellement valorisé.

Sergio Ferrari Service de presse d'UNITÉ / E-CHANGER Traduction Michèle Faure 

UN SYMPOSIUM CENTRE SUR DES ASPECTS FONCTIONNELS

Près de 400 personnes originaires de 100 pays se sont retrouvées à Genève, entre le 18 et le 21 novembre, pour assister au Symposium international sur le volontariat. Le but essentiel de cette rencontre était de dresser un bilan de l'année internationale des volontaires. D'où le poids important qu'ont eu les représentants des comités nationaux, constitués dans leur majorité soit autour des délégations des Nations unies soit autour d'instances gouvernementales. Le Symposium de Genève, en dépit des objectifs très ambitieux que s'étaient imposés les organisateurs, n'a pu échapper à l'enchevêtrement des discussions internes sur les structures et le vrai débat d'idées n'a pas eu lieu. La thématique inscrite au programme était très variée, mais les réunions de bilan par régions des comités nationaux n'ont pas laissé de temps pour la discussion de fond et ont court-circuité la participation aux ateliers et aux tables rondes qui auraient permis d'oxygéner les conceptions actuelles. Des questions aussi brûlantes que la relation entre le volontariat et l'entreprise privée ou la frontière entre le volontariat et le militantisme ont été à peine évoquées, abordées latéralement et sans structuration. Les recommandations du Symposium, exagérément optimistes pour ce qui est de l'impact de l'année internationale, ont été apportées à l'Assemblée générale des Nations unies le 5 décembre dernier et seront enrichies au cours de l'année qui vient en vue d'une nouvelle session à l'ONU en décembre 2002.

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